je voulais te dire
mon visage manque
d’un tas de choses
qui t’appartiennent
*
à qui le nez
qui les yeux
les oreilles
les gestes de réconfort
tout est à toi
pour toi
le dedans
les odeurs
ce qui a été rompu
déterré
*
retournons à l’atelier
il doit bien y avoir
de quoi ajouter
un peu de peau
de nouvelles tournures
à nos impatiences
*
nous accordons
à la chair
des configurations inédites
tu les composes
avec tes doigts
je réapprends
à bouger les lèvres
à flancher me dénouer
sortir de moi
comme d’un four
*
il y a des organes
ventriloques
embrasse-moi
nous donnerons
des leçons à l’anatomie
*
que ça
danse
ça neige quand
tu m’effleures
tu déclenches des processus
qui modifient mon corps
que ça
déchire
*
tu me donnes
tous les âges
tes doigts collés
contre mon crâne
tu disposes de moi
*
nous nous déguisons
l’un en l’autre
nous voulons
ce qui n’a pas d’allure
l’impossible
aboli
avec nos lèvres
nous allons vers qui
nous sommes presque
*
ce qui me gruge
m’incarne
je le remets entre tes mains
tu enlèveras
les éclats de miroir
tu me retourneras comme de la terre
Jonathan Lamy, « Je voulais te dire... », Je t'en prie, Le Noroît, 2011.